Ce Mondial va être le Mondial des streameurs. La FIFA a lancé sa propre plateforme où les influenceurs et les présentateurs du monde digital ont d’ores et déjà leur place : un championnat 24h/24 et 7j/7, sur le terrain mais aussi en dehors.
La Coupe Qatar 2022 sera, entre autres, le Mondial des streameurs. Etant donné qu’il s’agit d’un phénomène en plein essor, les youtubeurs et les présentateurs des plateformes numériques ont mérité le droit de profiter de cet événement majeur pour briller devant leurs followers.
Au travers de leurs programmes en direct, ils proposeront aux fans de football une couverture de l’évènement moins soumise à la rigueur journalistique, tout en utilisant leur façon de parler : en définitive, c’est ce que le public recherche depuis quelques années.
TikTok étant devenu le nouveau modèle de référence pour créer des formats de contenu, les utilisateurs ne s’intéressent plus uniquement à ce qui se passe sur le terrain pendant les 90 minutes d’un match, mais aussi à ce qui se passe en dehors des terrains, autour des stades, pendant l’avant-match, dans chaque hôtel…mais du point de vue d’un streameur.
Selon un rapport de Joy Ventures et getWizer, plus de 40 % de jeunes de la génération Z (c’est-à-dire les personnes nées entre 1996 et le début des années 2000) passent plus de trois heures par jour sur TikTok, ce qui équivaut au temps qu’ils passent aussi sur YouTube.
Outre l’omniprésence de la télévision pour la retransmission des matchs, cette 22e édition de la Coupe du monde de football sera également retransmise via les écrans de portables sous forme de contenus « verticaux » grâce à des tiktokeurs sur place, des twitcheurs qui commenteront les matchs (même si ce n’est pas de manière traditionnelle), et des youtubeurs qui réagiront à tout ce qui se passera d’important au Qatar. Cette Coupe du monde sera donc définitivement la Coupe du monde des streameurs.
Twitch, la plateforme de Microsoft, a conclu un accord avec 100 streameurs du monde entier pour retransmettre la Coupe du monde en étant sur place. Parmi eux, la moitié parle espagnol et 25 % sont espagnols. L’objectif principal est de capter l’attention du public en dehors des horaires de matchs. Parmi eux, on retrouve bien sûr Ibai Llanos, AuronPlay, El Rubius et The Grefg.
Tout cela, sans compter les protagonistes eux-mêmes et les comptes officiels des équipes, dont certaines sont très actives sur les réseaux sociaux, et qui devraient constituer une grande usine à contenu.
Comment nous regardons le sport
À l’heure du « snack content », 90 minutes d’attention devant un écran, surtout si le match n’est pas passionnant, ça peut paraitre long, même si ce n’est pas forcément le cas pour un événement de l’importance de la Coupe du monde.
Une enquête menée par l’agence Nielsen dans 13 pays (Australie, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Italie, Japon, Corée du Sud, Espagne, Royaume-Uni et États-Unis), indique que 81 % des personnes interrogées ont plutôt tendance à regarder le sport à la télévision, 72 % préfèrent les réseaux sociaux et 68 % choisissent les plateformes OTT, telles que YouTube ou Netflix. Dans tous les cas, tout le monde s’accorde à dire que rester attentif pendant une heure et demie, même en faisant une pause à la mi-temps, peut être un problème. C’est pour cette raison que les « best of » et les vidéos qui condensent l’essentiel de ce qui se passe dans un match ont de plus en plus de succès.
Pour ce qui est de la Coupe du monde, le fan de football ne risquera sûrement pas de manquer les moments décisifs du défi sportif relevé par son équipe nationale. Il est tout de même peu probable qu’il regarde la totalité des matchs de la compétition (64). En revanche, il est susceptible de se tourner vers YouTube pour regarder les résumés des matchs disputés par les adversaires potentiels de son équipe, par exemple.
Bien que les « best of » des matchs ne soient pas une nouveauté, partout dans le monde, les nouveaux spectateurs sont de plus en plus nombreux à regarder les résumés en images, même ceux de leur propre équipe. Une autre alternative consiste à assister aux matchs sur grand écran, mais toujours en gardant le téléphone portable à la main, comme s’il s’agissait d’une extension de notre corps, au cas où on s’ennuierait trop.
Dans une étude publiée en septembre 2020, la société de conseil spécialisée en télécommunications Altman Solon a analysé les préférences des fans de ce sport en matière de consommation. À la question de savoir s’ils sont d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation « Je préfère regarder une compilation des meilleurs moments plutôt que de regarder un match en direct », 27% des Américains interrogés ont répondu que oui.
Dans les pays où le football tient une grande place, comme au Brésil, 32% ont également répondu par oui. En France, ce chiffre est de 30 % ; en Italie et en Espagne, de 24 %, tandis qu’en Corée du Sud, qui fera partie du groupe H aux côtés de l’Uruguay, du Ghana et du Portugal, 46 % ont déclaré être d’accord avec cette affirmation.
La FIFA participe aux changements
Le football n’est qu’un des nombreux sports qui ont dû innover face à ce changement de mode de communication. Des organisations telles que la NFL, la ligue de football américain, et la NBA, la plus importante ligue de basket-ball au monde, avaient déjà pris des mesures dans ce sens.
Les changements et le phénomène des streameurs ne sont pas passés inaperçus auprès des organisateurs du championnat. La FIFA elle-même a lancé sa propre plateforme en avril 2022, FIFA+, sur laquelle la Fédération rassemble une multitude de vidéos allant des matchs complets de la Coupe du monde aux vidéos exclusives créées spécialement pour ces nouveaux écrans.
Elle a également joué sur ces nouvelles tendances en faisant son entrée dans le métavers de Roblox, la célèbre plateforme de jeux en ligne qui permet de créer des mondes virtuels. Eh oui, le monde virtuel du football existe bel et bien, il s’agit du FIFA World.
Dans le FIFA World, les jeunes fans de football peuvent jouer et interagir avec d’autres fans des quatre coins du monde. En parallèle, à partir de 2024, la FIFA a annoncé qu’ elle n’exploitera plus son jeu emblématique avec EA Sports. Elle réfléchit à de meilleures options pour la prochaine édition de son simulateur de jeu emblématique, après 30 ans de partenariat avec la même société.
L’innovation tournée vers l’intérieur
Pour les fédérations, les transformations ne se feront pas seulement au niveau de leurs spectateurs, mais aussi au niveau du jeu. Les équipes elles-mêmes pourront utiliser la technologie fournie par la FIFA pour la compétition.
Parmi les autres innovations par rapport au Mondial 2018 en Russie, les équipes auront la possibilité de placer leurs analystes dans des secteurs spécifiques des stades, où ils pourront faire des captures d’écran toutes les 5 et 15 secondes à partir de deux écrans tactiles situés dans trois salles de travail au niveau supérieur des stades. Ce dispositif peut également être utilisé par le personnel médical pour traiter plus rapidement les problèmes physiques qui peuvent survenir à leurs joueurs.
Au niveau du terrain, le personnel technique aura également accès à des écrans tactiles, qui seront eux-mêmes connectés à ceux des analystes situés dans une autre zone du stade. Enfin, à côté des bancs des remplaçants, chaque équipe pourra placer une antenne connectée au GPS des joueurs pour capter des informations en temps réel.
Conclusion
Que ce soit sur le terrain ou en dehors, les Coupes du monde n’ont jamais cessé d’innover. Si, par le passé, cette compétition a été la porte d’entrée de la télévision en couleur, comme en Argentine en 1978, ou de l’assistance vidéo à l’arbitrage lors du Mondial de 2018 en Russie, on s’attend aujourd’hui à ce que l’événement sportif le plus important du monde ouvre la voie aux streameurs, grâce auxquels les fans en apprendront un peu plus sur le Qatar. Ce Mondial sera donc le Mondial des streameurs.